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Podcasts, le retour en grâce

Podcasts, le retour en grâce

Signe de son retour en force, il possède enfin sa vitrine. En octobre 2018 s’est tenue à la Gaîté Lyrique la première édition du Paris Podcast Festival. Près de seize ans après la création de ce format – soit une éternité dans l’univers du web – a donc lieu le premier rassemblement français autour de l’univers du podcast natif. Un mois plus tard, en novembre 2018, France Inter établissait même un record en la matière. La station annonçait fièrement que près de 30 millions de téléchargements de podcast de ses émissions phares avaient été effectuées en un seul mois. À l’heure de la dictature de YouTube, de Facebook Live, la résurrection de la culture audio, espace de créativité sans contrainte de temps ni d’audimat, interpelle autant les médias que les marques.

Podcast, la chronique d’une mort annoncée (2002-2008)

Apparu en 2002, lorsque les flux RSS, inventés deux ans plus tôt, ont permis l’ajout de fichiers vidéo et audio, le podcast a connu un parcours chaotique sur la frise chronologique du web. Contraction des termes « iPod » et « Broadcast », qui signifie « diffusion », le podcast est une émission audio disponible sur internet. Pour l’écouter, il est possible de la télécharger sur son ordinateur ou son smartphone ou alors en streaming depuis son navigateur web ou via une application spécifique. Au début des années 2000, l’effet iPod, et par ricochet iTunes, modifie structurellement les habitudes d’écoute.

Le nomadisme devient la norme, la liberté de consommation une règle.

En s’affranchissant des horaires fixes de diffusion, l’auditeur accède grâce au podcast à une sorte de radio à la demande, consommable sans signal ou connexion internet. En créant spécifiquement sur iTunes une catégorie « Podcast », Apple a la volonté à partir de 2005 de rendre ce format « mainstream », pour reprendre le terme de feu Steve Jobs.

Précurseur en la matière pour la France, la chaîne Arte diffuse depuis 2004 des podcast sur sa radio web « Arte Radio », en proposant même très tôt aux internautes de publier eux-même des audioblogs. À l’époque, le responsable éditorial de ce projet, Silvain Dire, se confie au site d’information zdnet.fr et il ne cache pas son enthousiasme.

« Avec le podcast, l’auditeur nous fait confiance, il sait qu’il a affaire à des programmes de qualité, tout en se laissant surprendre. Ce n’est pas du tout un projet élitiste. L’objectif était de séduire la génération internet avec des contenus accessibles. »

Avec le recul, relire l’intégralité de cette interview est d’ailleurs une bonne clef de compréhension pour analyser la situation actuelle. Car à partir de 2008, malgré un engouement certain de la part du public, la mayonnaise ne prend pas. En tout cas pas massivement. Au point que de nombreux médias déclarent rapidement que le podcast est mort-né. C’est le cas du très influent blogger tech américain Alexander Wolfe dont les propos ont presque la valeur d’une épitaphe.

« Nous sommes en 2008 et il est temps d’admettre que les utilisateurs ne se sont pas saisis des podcasts, et ne le feront jamais. La tendance semble claire : les podcasts restent sur le carreau, tandis que la vidéo passe devant.»

L’absolutisme du contenu vidéo (2008-2014)

Pourtant entre hier et aujourd’hui, les avantages du podcast sont restés identiques : liberté de ton, facilité de diffusions, investissement limité… Si le format n’a pas changé dans ses grandes lignes comment expliquer sa longue léthargie puis sa renaissance ? L’indice est donné plus haut, la vidéo.

Il faut corréler la lente hibernation du podcast avec les créations de YouTube et évidemment de Facebook. Juste après l’éclosion de ce format audio, les deux mastodontes de la vidéo dérivent toute l’attention du web. Le diktat de l’image prend le dessus sur la culture sonore.  Le podcast est lié à la radio, média ayant moins la côte sur les nouvelles générations, tandis que la vidéo est le symbole inconscient de la toute puissante télévision. C’est le pot de terre contre le pot de fer. S’ensuit alors une course effrénée vers une abondance nauséeuse, ce que les responsables marketing nomment poliment le « snackable content ». Comme dans un gigantesque fast-food en mondovision, l’internaute devient boulimique avec Snapchat, les stories Instagram, Periscope, les innombrables formats vidéo façon Konbini ou Brut…Le moindre interstice de notre journée, la moindre pause, le moindre trajet en métro nous fait adopter une drôle de chorégraphie. On scroll, on like, on regarde le début d’une vidéo, on scroll à nouveau…

Ce zapping intellectuel frénétique atteint actuellement ses limites. Depuis peu, en embuscade, la voix reprend lentement ses droits sur les écrans grâce à la conjonction de deux facteurs. Le premier ? La démocratisation des assistants vocaux (Siri…) et l’explosion annoncée des enceintes intelligentes d’ici 2022 (Google Home, Alexa, HomePod). Ce paramètre est tout sauf anodin. Le film Her de Spike Jonze, dans dans lequel le personnage principal parle à son assistante personnelle grâce à des écouteurs a tout d’une prophétie. L’interface vocale est en train de repenser notre relation intime à la technologie. Depuis la création de l’informatique, le rapport homme-machine se jauge à travers le rapport graphique. L’écran joue sur la perception, tandis que l’interface vocale fait appel à l’imagination.

Le podcast Serial

C’est sur ce terreau fertile qu’émerge aux États-Unis en 2014, un intriguant podcast nommé Serial. Derrière ce projet, une journaliste américaine de radio Sarah Koenig. En 2013, elle reçoit une étrange demande de la part d’une de ses connaissances, Rabia Chaudry, une avocate persuadée de l’innocence d’Adnan Syed. Un jeune garçon qui purge depuis quatorze ans une peine de prison pour le meurtre de son ex-petit amie. À raison d’un épisode par semaine Sarah Koenig scénarise son enquête et interroge de nouveaux les suspects de l’époque, ainsi que la famille, les amis, les voisins, la police…

Explication des faits à la manière d’un roman, interviews des différentes parties-prenantes, Serial captive les auditeurs à la manière d’une série télévisée. Contre toute attente, le succès est immédiat. En à peine un mois, le podcast atteint cinq millions de téléchargement, soit la croissance la plus rapide d’Itunes pour l’époque. À la fin de la saison 1, qui comporte 12 épisodes, le podcast dépasse même la barre des 80 millions de téléchargement au point que le site américain Fast Company pose ce constat sans appel :

« En 2015, il existe plus de gens aux Etats-Unis qui ont téléchargé le podcast Serial qu’il n’y a de téléspectateurs réguliers de Mad Men ou de Game Of Thrones ».

Barack Obama dans le podcast de Marc Maron

Ce succès aurait pu être une exception, dernier spasme d’un média à l’agonie, mais ce fut l’inverse. L’engouement pour un podcast natif se mue en véritable phénomène culturel. Selon une étude d’Edison Research en mai 2016, 55% des Américains sont désormais familier avec le terme « podcasting» et 21% se considèrent comme des auditeurs réguliers. La demande explose, l’offre également. Plusieurs start-ups spécialisées dans la création de podcast émergent rapidement comme Radiotopia ou Gimlet Media, tandis que les médias s’engouffrent également dans la brèche (New York Times, Buzzfeed, Slate…). Même Barack Obama se laisse prendre au jeu en accordant une interview cocasse au podcaster indépendant Marc Maron. Évidemment Serial n’est pas le premier podcast natif au monde, mais son succès a permis de structurer et de relancer toute une industrie.

Le podcast natif, le conte des temps modernes (2014- 2018)

Contrairement au podcast de radio, simple rediffusion d’un programme, le podcast natif est produit spécifiquement pour internet. Il peut prendre différentes formes (récits, documentaires, fictions, débats…) et aborde tout type de sujet, des plus généraux (gastronomie, sport, histoire, politique, marketing littérature…) à des thématiques de niche (féminisme, masculinité, comics, chanteuses d’opéra…).

Le podcast natif est différent de la radio traditionnelle, d’une émission TV ou de la lecture d’un news sur un site d’infos. La voix, les histoires, la conversation sont des nouvelles manières de raconter le monde, une relation intime et sonore se créée lors de l’écoute. Avec le podcast, l’auditeur revient finalement à ce besoin ancestral de transmission orale, de l’Odyssée d’Homère aux contes des frères Grimm racontés le soir au coin d’un feu. Dans son besoin de storytelling insatiable, l’internaute trouve dans le podcast un moyen d’appréhender le monde sans passer par la frénésie usuelle de l’information web comme le suggère le journaliste et reporter Charles Audier.

« Le podcast est un média paradoxal. Comme une sorte d’antidote à notre surconsommation des médias, il s’inscrit dans un mouvement de slow content, où la qualité prime sur la quantité. Il implique une écoute active basée sur la concentration, l’implication et l’imagination. »

La France n’échappe évidemment pas à cette lame de fond. Depuis deux ans, environ 22 millions de podcasts sont écoutés tous les mois. Selon une étude d’Opinion Way environ 20% des Français en écoutent régulièrement et ce chiffre grimpe à 52% chez les 18 – 25 ans.

Les podcast Louie Media et BoxSons

Le secteur s’est rapidement organisé autour de trois noyaux créatifs : les indépendants, les médias classiques et les studios de création. Le podcast natif devient par exemple le terrain de chasse de journalistes réputés en quête d’une plus grande liberté de ton, comme l’ineffable Pascale Clark avec sa plateforme BoxSons. Mais aussi de collectifs de créatifs qui se font les porte-voix des oubliés des médias traditionnels comme la plateforme Binge Audio ou Louie Media.

Et enfin les médias traditionnels comme « L’Équipe », « LCI » ou encore « Les Échos », s’invitent à la fête tant ce format audio est devenu incontournable.

Le podcast ne met pas en danger l’équilibre financier d’une structure puisqu’il ne nécessite pas d’investissements colossaux et peut s’héberger facilement sur des sites comme Soundcloud. Dès lors, une explosion créative tous azimuts, semblable à l’éclosion des radios libres au début des années 80, inonde l’auditeur, ravi d’avoir à sa disposition une offre de qualité.

Pour s’auto-financer, les podcast cherchent encore leur voie : abonnement, courtes publicités en début de programme, dons, mécénat…Si bien que les marques pointent déjà le bout de leurs nez et de leurs portefeuilles. Pour Matthieu Stefani, CEO de l’agence d’innovation CosaVostra,  le podcast est un formidable outil marketing.

« Les auditeurs de podcasts dans leur très grande majorité consomment l’intégralité du podcast qu’ils écoutent que ce dernier dure 10 minutes ou 2h30. Inscrit dans une logique de brand content le podcast est ainsi un moyen intéressant de faire du storytelling sur une cible 100 % captive. »

Pour investir ce média, deux choix s’offrent aux marques : le sponsoring d’un podcast existant ou la création d’un podcast 100% dédié. En 2015, General Electric se lance dans l’anticipation de science-fiction avec The Message, un podcast téléchargé plus de 5 millions de fois. En 2016, Ebay donne la parole aux entrepreneurs avec son émission Open Business tandis que Microsoft parle de nouvelles technologies dans future. Les marques de luxe comme Veuve Clicquot, Guerlain ou Chanel en profite également pour mettre en avant leur savoir-faire et leur processus créatif. Nouveau pilier du « brand content », le podcast natif se professionnalise peu à peu et prouve qu’à l’avenir la culture audio n’est plus prête à se mettre en veilleuse.

Les trois podcast préférés de la team Fred

Difficile d’établir une hiérarchie tant il existe autant de podcast que de goûts. Voici les trois podcast préférés des équipes de Fred.

Splash

Le professeur d’économie Etienne Tabbagh parle des rouages de notre économie avec simplicité, limpidité et humour.

Distorsion

Ce podcast a pour thème les « histoires étranges de l’ère numérique ». Morts suspectes ou disparitions, faits divers mystérieux, ces deux jeunes Québécois mènent l’enquête sur une dizaine d’affaires qui ont pour seul point commun d’avoir un rapport avec les nouvelles technologies. Le « faites entrer l’accusée » de la Silicon Valley.

Community Manager

Pour ceux qui résument internet à des vidéos de chats ou à des photos de « Latte Art », voici l’antidote parfait. Dans ce podcast Guillaume Natas explore ce que Internet a de plus contre-culturel et transgressif : blogs insolites, communautés 2.0 obscures et théories du complot loufoques…Décapant et divertissant.

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Source: Fred de la compta

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